"Cette âme est pleine d'ombre, le péché s'y commet. Le coupable n'est pas celui qui fait le péché mais celui qui fait l'ombre." Victor Hugo, Les Misérables
Je viens de de terminer la lecture d'un très beau roman "Un visage d'ange", premier ouvrage de l'américaine Lysa Ballantyne, sorti en juin 2013 en version française aux Editions Belfond.
J'ai été captivée par l'histoire de ce jeune garçon de 11 ans, Sébastian Croll, issu d'un milieu aisé, accusé du meurtre d'un garçon de 8 ans, Ben Stokes.
Sébastian "était incroyablement beau et son visage en forme de coeur -pommettes larges, menton pointu- aurait presque pu passer pour celui d'une fillette." Il avait "de grands yeux verts pétillant d'intelligence", un regard franc et ouvert, une voix musicale, posée, désarmante d'innocence. Ses propos étaient clairs, cohérents, dignes de confiance.
La police est sûre de la culpabilité de Seb au vu des témoignages et indices accumulés, notamment un témoin ayant vu les deux garçons de bagarrer peu avant le crime et des taches de sang maculant le tee-shirt et les chaussures de Seb. Il aurait tué Ben Stokes en lui écrasant une brique sur le visage avant de dissimuler le corps.
Son avocat Daniel Hunter, 35 ans, est convaincu de son innocence et va s'employer de toutes ses forces à l'innocenter. Au fil des pages, on le sent s'attacher plus que de raison à ce jeune enfant, tissant des parallèles entre la vie de Seb et sa propre enfance. Seb a une mère d'une grande fragilité, accro aux médicaments, battue par son mari. Tout comme Daniel autrefois, il vit dans un univers insécure entre un père souvent absent et une mère qui ne parvient plus à le gérer, qu'il violente et protège tour à tour. Daniel a eu une enfance chaotique, de père inconnu, élevé par une mère toxicomane qu'il protégeait de ses amants violents. De famille d'accueil en famille d'accueil, Daniel était en perdition, agressif, instable jusqu'à ce qu'il soit recueilli par une femme au passé difficile, ancienne infirmière psychiatrique qui saura l'accueillir, l'aimer et lui offrir un cadre sécurisant, Minnie.
J'ai aimé ces allers et retour permanents entre ces deux histoires de vie très prenantes, l'intensité du procès riche en émotions, en rebondissements, le garçonnet y participant un peu comme un spectateur.
J'ai été interpellée par une question posée en filigrane tout au long du roman à savoir quelle culpabilité et quelle sentence pour un enfant si jeune, innocent ou pas, s'il devait être condamné pour ce crime atroce ? Faudrait-il l'extraire de sa famille et le punir en le confiant à des foyers, l'incarcérer dans des prisons, écoles du crime pour des enfants-adolescents aux prises avec des problèmes inextricables ? Ou bien devrait-on lui donner une chance de s'en sortir en le laissant en liberté avec un suivi en raison de son jeune âge et abandonner la famille du petit enfant assassiné avec le sentiment cruel de l'impunité.
L'auteur ne tranche pas cette question et laisse le lecteur avec un puissant sentiment de trouble, de malaise. On quitte ce roman plutôt déstabilisé tant on s'est senti proche de ces personnages attachants dont la part de mystère reste très prégnante, notamment chez Sébastian même si à la fin l'auteur nous livre un verdict et un dénouement inattendus.
La résolution de cette sombre affaire criminelle nous donne envie de nous replonger dans ses ressorts psychologiques pour mieux comprendre ce qui sans doute reste et restera la part d'ombre et de mystère insondable que nous portons tous en nous et qui un jour ou l'autre se révèle ou pas.......
et puis.....un soulagement tout à la fin........Daniel finira par trouver pour lui-même la réponse qui "l'apaisa enfin" et qui permettra au lecteur de sortir de ce roman, doucement, sur la pointe des pieds pour ne pas troubler le tête-à-tête ultime.
Je recommande vivement cet ouvrage.